Interview avec Oumar SALL

Par juliette Ba Mairesse | 25 Mai 2019

Oumar Sall Directeur de Cinekap, Co Producteur du film Atlantique Grand prix du jury au 72ième festival de Cannes a répondu à nos questions.

LHA : Atlantique » de Mati Diop en sélection officielle. Quel est votre sentiment par rapport à cette sélection ?

Oumar Sall : C’est un sentiment de fierté, de joie incommensurable, nous sommes vraiment très heureux. J’en profite pour féliciter Mati Diop la réalisatrice qui nous a fait confiance et qui nous a permis également de nous exprimer à ses côtés dans ce qu’on appelle un vrai élan de solidarité, en tous cas pour arriver à fabriquer ce film. Et aujourd’hui c’est une satisfaction pour le Sénégal et pour l’Afrique dans sa globalité parce que nous sommes dans le concert des grandes nations, dans le domaine du cinéma.

Vous êtes l’un des grands noms de la production et vous avez travaillé avec les meilleurs ? Comment y êtes-vous arrivé  ?

Vous l’avez dit, le secret, c’est travailler, encore et toujours travailler… Apprendre à travailler dans la difficulté. Apprendre à évoluer dans un environnement qui était très complexe et difficile. Travailler dans un environnement où il n’y avait pas d’aide et surtout croire en nos propres modèles … Les premiers résultats c’était en Afrique au Fespaco 2013, où nous avons remporté le premier étalon. Auparavant on était en compétition officielle à Berlin.

Avec ce film nous avons été récompensés au-delà de nos espérances… Nous avons  remporté plus de 50 prix ; c’est le film d’Alain Gomis. Après s’en est suivi « Félicité » toujours d’Alain Gomis, des court-métrages… Donc finalement cette société (Cinekap) constitue un lieu d’ancrage pour les jeunes qui voulaient fabriquer des films et qui acceptent qu’on les porte dans notre élan de tous les jours

Monter les marches aujourd’hui est-ce que c’est une consécration ?

Etre en compétition officielle est une consécration en soi. Je pense le dire humblement, si on est déjà parmi les dix-neuf meilleurs dans le monde c’est quelque chose qui est assez exceptionnel et rare. Pour moi, La fierté elle est définitivement africaine.

Nous marchons tout droit et nous sommes très fiers. Ces marches nous les avons arpentées très fiers et avec une forte délégation sénégalaise. Avec en première ligne il y avait aussi les autorités parce que exceptionnellement et pour la première fois dans l’histoire, un film arrive à ce niveau et les droits sont fixés sur le territoire africain. Il y va de notre patrimoine national et du devenir de notre cinéma. Avant c’étaient les producteurs du Nord qui nous amenaient des financements en amont et en aval vous pouvez le voir.

Mais je parle de compétition officielle exceptionnelle parce que aussi Mati Diop est une femme, c’est la première africaine arrivée à ce niveau. C’est quelque chose dont je me réjouis. Le fait de porter une telle dame et surtout d’arriver à ce niveau où l’Afrique dans sa globalité est représentée par la femme, c’est une vraie satisfaction. C’est ce que je disais souvent, que la femme est une force de création et ça il faut l’accepter.

Aujourd’hui en Afrique la force de création appartient aux femmes…

Justement parlons de la relève. Après les pionniers : Ousmane Sembene, Djibril Diop Mambety, Moussa Toure, Moussa Sene Absa, que peut-on dire de la nouvelle génération…?

Je pense qu’il faut saluer toutes ces générations que vous venez de citer. Pour moi la référence cinématographique africaine est sénégalaise. Elle est forte. Et comme qui dirait, « Le Sénégal est l’âme du cinéma africain… » Je le crois. Aujourd’hui il y a d’autres générations qui arrivent.

Le cordon ombilical n’est pas coupé, au contraire il est bien entretenu. Et vous voyez après Moussa Touré, William Mbaye, cette même génération continue à travailler tout en passant le témoin à la relève.

Il y a la génération d’Alain Gomis ou encore les générations de jeunes réalisateurs comme Khadidiatou Sow, Angèle Diabang, Abdou Khadre Ndiaye, Fabacary, ils sont nombreux, sans oublier Mati Diop… Donc il y a une modernité dans ce que nous faisons,  accompagnés et appuyés en cela par des boites de production, de droit sénégalais qui portent  ces gens, qui défendent leurs intérêts, qui travaillent pour l’identité et pour l’intérêt de notre pays et de l’Afrique tout entière. 

Quel conseil justement pourriez-vous donner à la jeune génération… On sait que trouver des financements locaux est loin d’être une sinécure ?

D’abord il faut un scénario. Vous savez que c’est une idée que nous transformons en économie. Un bon scenario permet de lever des fonds …  L’argent que les gens mettent c’est un investissement, mais pour sécuriser leurs intérêts et les rassurer, il faut impérativement que le scenario soit bon.

Donc les critères artistiques et commerciaux  doivent être au rendez-vous, de même que les critères commerciaux. La distribution aussi est primordiale sans oublier les exploitations, les festivals aussi doivent attendre le film.

Quand le film est bon tout le monde a hâte qu’il sorte et soit distribué.  Pour y arriver, il faut travailler dur,  éviter la facilité. Comme le disait Denzel Washington « la facilité tue le progrès »  

Pour terminer quelle va être la carrière du film  ?

Après Cannes le film va suivre une vie normale. Le film est comme nous, il y’a des devoirs, des obligations, il y a des festivals qui veulent diffuser le film. Le film doit voyager.

Nous nous devons être comme des sacs à dos derrière le film (rires) parce qu’on doit suivre le passage du film dans le monde entier. Et c’est un film qui a de grandes ambitions… Donc aujourd’hui il est important de se pencher sur le rapport que le film (Atlantique) a avec le marché.

 Une fois que nous dépassons cela, nous allons attaquer tout de suite les stratégies de sortie et de distribution. Je pense que la distribution en Afrique, ne saurait tarder. C’est la priorité. Nous avons d’importantes  échéances qui nous attendent et la sortie du film en Afrique est déterminante pour ces échéances. 

Vous être toujours très élégant ? Comment l’expliquez-vous ?

C’est une nature humaine. Je pense qu’être dans le milieu artistique, ou travailler avec des artistes n’est pas forcément lié à l’élégance.  La manière d’être dans la vie c’est une question de choix. Et mon choix c’est d’être correct.

Quel est votre plat préféré ?

En plat préféré… J’adore le yassa de poulet.

Quelle est votre couleur préférée ?

Mes couleurs préférées sont le bleu et le blanc.

Qui est Omar Sall, L’Homme ?

Je suis parti de rien. J’ai travaillé durement et j’ai toujours cru en moi. Je défends toujours ce que j’ai envie de faire avec beaucoup de mental. Je n’abdique jamais.

J’ai également  une forte croyance en Dieu et je suis convaincu que dans la vie il faut toujours aller jusqu’au bout. Je crois en ce que je fais. Je crois en mon pays. Je crois en l’Afrique.

Je suis disponible pour les gens du métier qui viennent me voir. Mais je suis aussi à la disposition de ce métier qui est le mien