Interview Abdou Souleye DIOP

par | 18 mai 2019 | 0 commentaires

« Mon violon d’Ingres, c’est l’Afrique ! »

Managing Partner de Mazars Audit & Conseil au Maroc, Abdoul Soulèye Diop nous parle de ce Groupe présent dans plus d’une centaine de pays, dont 27 en Afrique, et toujours en expansion. « La croissance, pour nous, n’a jamais été aussi importante que cette année , confie-t-il. Et ce n’est pas fini ». Entretien.

Quels sont le poids et l’influence du Groupe Mazars en Afrique ?

Abdou Diop : Je suis Partner de Mazars au même titre que les 1040 Associés de par le monde où nous sommes présents dans 104 pays. Mazars est un projet d’entrepreneurs mené par ce partnership intégré, jeune et unique. Cette intégration est une force et un élément de différence. Nous croyons, où que nous soyons, aux différentes valeurs que nous affichons. Au Maroc, je suis le Managing Partner de Mazars Audit & Conseil, un Cabinet qui figure parmi les Cabinets leaders de l’audit et le consulting. Nous sommes dix Associés qui fédérons près de 160 collaborateurs.

L’Afrique représente pour le groupe Mazars un axe de développement important. Depuis le début des années 2000, la croissance (à deux chiffres) que nous y réalisons n’a jamais été aussi importante que cette année. Nous accordons un intérêt certain à développer notre réseau sur le continent pour servir nos clients. Chaque année, nous étendons notre couverture géographique en ouvrant de nouveaux bureaux.

Et votre Groupe est encore en pleine expansion…

Au cours de ces deux dernières années, nous avons intégré dans le Groupe des pays comme le Rwanda, la Mozambique, le Nigeria, la République démocratique du Congo ou l’Ouganda. Nous avons également signé des accords de correspondance avec des pays comme le Malawi ou le Zimbabwe. Et nous ne comptons pas en rester là. Plusieurs projets sont dans les tuyaux. Nous couvrons aujourd’hui l’ensemble du Continent à travers nos 45 bureaux dans 27 pays africains, soit environ 3.000 collaborateurs en Afrique encadrés par 150 Associés.

Nous sommes complétement en phase avec le plan stratégique Next20 du Groupe que nous déclinons et transposons à l’échelle de chaque pays où nous sommes présents afin de réaliser tous ensemble une belle évolution.
Nous figurons aujourd’hui parmi les firmes les plus dynamiques sur le Continent. Pour répondre aux défis de l’Afrique et contribuer à son développement, nous investissons dans des actions/initiatives et des projets innovants. Nous sommes associés à Finance Innovation dans « Dakar Finance Cluster », un pôle de compétitivité majeur qui regroupe Universités d’excellence, start-ups et opérateurs économiques. Nous avons également lancé Afrik’Expand, une offre dédiée à l’accompagnement des start-ups en Afrique. Nous sommes donc engagés dans le Continent pour y apporter toute notre valeur ajoutée et notre expertise et participer à la dynamique qui est enclenchée autour de projets innovants.

Quelles sont les perspectives économiques de l’Afrique pour 2019 – une année chargée en élections – et notamment au Sénégal et au Maroc que vous connaissez bien ?

Les enjeux de l’Afrique en 2019 sont nombreux, que ce soit aussi bien sur le plan économique, politique que social. Sur le plan économique, des sujets importants sont en discussion comme la mise en œuvre de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine, la monnaie unique africaine, etc. L’équilibrage des indicateurs macroéconomiques et l’assainissement des finances publiques, la relance de l’investissement privé, la diversification économique et la transformation, le défi de l’inclusion, la réforme de la monnaie, la recherche et l’innovation, la digitalisation des économies  sont autant de défis à relever. Ajouter à cela, comme vous l’avez mentionné, les défis politiques issus des élections présidentielles et législatives organisées ou à organiser dans plusieurs pays comme au Sénégal, Nigeria, République du Congo, Afrique du Sud, Tunisie… Cette année 2019 sera donc une année charnière et verra naître certainement de nouvelles initiatives et actions. Mais les perspectives restent malgré tout assez bonnes. Depuis quelques années, la croissance du Continent (3,5% en 2018), bien qu’inégale entre les différentes régions, continue de se renforcer. Elle devrait évoluer pour atteindre environ 4% d’ici à l’année prochaine. Elle demeure néanmoins toujours insuffisante pour résorber le chômage et la pauvreté et atténuer les inégalités. La pérennisation de la croissance économique sera fonction de l’amélioration du climat des affaires, du renforcement des infrastructures, de la poursuite des réformes institutionnelles et de la promotion de la recherche et de l’innovation.

« Les entreprises marocaines sont un bon exemple de cette dynamique d’intégration »

On parle souvent en Afrique de développer les relations Sud-Sud, mais quelles sont aujourd’hui les véritables dynamiques entre l’Est anglophone et l’Ouest francophone pouvant faire bouger le Continent ?

Pendant longtemps, il existait un certain clivage entre les deux régions de l’Afrique de l’Ouest francophone et l’Afrique de l’Est anglophone. Mais les Africains ont compris que pour que le Continent se développe, il est important de créer une grande intégration régionale. Il est crucial de créer des ponts et développer les projets entre les deux régions. Les entreprises marocaines sont un bon exemple et un modèle de cette dynamique qui a été créée entre les deux « hémisphères ». Il existe de très belles opportunités pour créer cette intégration qu’il ne faudrait pas rater. Les efforts doivent également être mutualisés entre les différents pays.

Comment l’Afrique peut-elle relever le grand défi d’une croissance inclusive ?

Je reste convaincu que la croissance inclusive de chacun de nos pays va porter la croissance inclusive du Continent. Les pays devront donc faire chacun des efforts pour assainir leur climat des affaires, s’engager ou poursuivre leurs réformes, encourager l’investissement… afin de favoriser et accélérer la production d’emplois productifs. La croissance ne pourra que bénéficier à tout un chacun et réduira les inégalités. Plusieurs moteurs de cette croissance pourront l’améliorer. Je citerai par exemple l’amélioration de la gouvernance des institutions, la maîtrise des indicateurs macro-économiques, les politiques publiques (monétaires, budgétaires…), l’émergence d’une économie numérique, le développement de l’économie sociale et solidaire, le développement de chaînes de valeur régionales et continentales arrimées aux chaînes de valeur mondiales, etc.

Une questions plus personnelle pour terminer notre entretien : quel est votre violon d’Ingres ?

Je vais vous surprendre peut-être, mais si j’avais à citer mon violon d’Ingres, je dirais tout simplement l’Afrique. Je suis un passionné du continent africain : de son Histoire, de sa géopolitique, de son économie, de ses cultures, de ses Femmes et de ses Hommes, de ses paysages et surtout, de ses contradictions.

Comme tous les hommes importants et très occupés, vous conservez néanmoins « un jardin secret ». Quel est-il ? Quelle est votre véritable passion ?

Je rectifie, je ne suis pas un homme important. Occupé peut-être… et encore. J’ai effectivement deux grandes passions : les voyages et la politique. Et j’essaye de m’inspirer des sportifs professionnels pour faire de mes passions, mon métier. On verra si j’y arrive…

Propos recueillis par Bruno FANUCCHI