Et si le Soldat Inconnu était un Sénégalais…

Le récit jamais raconté du Soldat Inconnu. Tel fut l’objectif du film « Tirailleurs », réalisé par Mathieu Vadepied et co-produit par Omar Sy, lui-même acteur principal et héros célébré d’une tranche légendaire de l’histoire des tirailleurs africains pendant la guerre 1914-1918. L’Avant-Première à Dakar d’une telle production, ayant déjà eu un succès au dernier festival de Cannes, revêt un caractère important pour l’acteur franco-sénégalais qui aura vécu toutes les émotions pour en arriver à un moment exceptionnel.

Le récit est vibrant, à l’image des scènes de bombardement où père et fils forment un tableau chargé d’histoire et d’humanisme. Pour Omar Sy, ce film, qui sort le 06 janvier à Dakar et en Afrique Subsaharienne, est d’une grande importance car, selon lui, il raconte l’histoire du Sénégal et de la France. « C’est aussi mon histoire ! », a-t-il lancé aux journalistes, lors d’une conférence de presse, le mardi 20 décembre 2022, quelques heures plus tôt, avant la soirée officielle de l’Avant-Première à Dakar.

L’acteur franco-sénégalais se dit bouleversé et à la fois fier devant l’objectif, pour l’hommage rendu, en quelque sorte, aux tirailleurs et au « Soldat Inconnu », à travers ce film qui renvoie à la grande offensive des soldats et combattants pour la France contre l’Allemagne, au pied de la célèbre colline de Malmaison. « Ce film est un questionnement. Il permet d’ouvrir certains tableaux de l’histoire et de les relier à des faits.En un moment, je me suis demandé pourquoi le soldat inconnu ne serait-il pas sénégalais », livre l’acteur franco-sénégalais qui dit s’être, d’ailleurs, préparé psychologiquement en « allant à la guerre », à travers notamment la lecture de l’ouvrage « Frères d’armes » de David Diop.

Le spectacle est enflammé, le décor n’est pas très beau mais il submerge les cœurs, donne des sursauts et convoque la conscience à travers la mésaventure d’un père qui a voulu extirper son fils de la guerre.

« Ce film a réussi à renforcer les choses que je ressentais après la lecture de Frères d’armes. Le livre a été une préparation pour entrer dans le film, dans la guerre ! », confie Omar Sy qui a, notamment, interprété le rôle de Bakary, un père désespéré et à la fois déterminé à sauver son fils, au point de s’engager, discrètement, à ses côtés pour les combats au front.

Pour Mathieu Vadepied, c’est d’ailleurs un moment d’attention, une particularité pour le metteur en scène de montrer plus une histoire d’amour que de guerre. « Il ne fallait pas que la partie d’histoire qui raconte la guerre noie cette relation intime », explique le réalisateur français qui dit avoir une connexion particulière avec l’Afrique, par son parcours, et notamment, depuis son premier voyage à l’âge de 18 ans. Pour lui, il fallait, tout simplement, le faire ! D’ailleurs, il n’a pas manqué l’opportunité, selon lui, de montrer cette sensibilité et cette richesse de l’Afrique à travers les scènes de vécu des soldats africains dans les camps de guerre. Le « Pular », langue parlée par les personnages principaux, aux côtés du Wolof et d’autres dialectes africains est une première volonté de remettre les choses à leur place.

Par ailleurs, Mathieu Vadepied évoque une certaine subtilité avec laquelle, il a voulu montrer la complexité et l’ambigüité de la situation des soldats africains qui, face au besoin de survie, devant la guerre, dévoilent leurs forces et leurs faiblesses ainsi que leurs limites en tant qu’êtres humains, au-delà du fait qu’ils peuvent être vus comme des victimes ou des héros.

« Il fallait éviter toute caricature ! ». L’objectif du film, étant exclusivement de toucher, par une histoire intime, des questions universelles. « Tirailleurs », c’est surtout un besoin de construction pour la nouvelle génération d’africains en France. « Nous avons besoin de ce récit pour nous construire, surtout nous qui avons les pieds entre les deux pays », a notamment précisé Omar Sy qui rejoint le réalisateur dans sa démarche de vouloir se faire approprier le film par les jeunes générations. « Dans ce cas, on aura gagné quelque chose ! », a ajouté Matthieu Vadepied qui parle de « Tirailleurs » comme le projet d’une vie.